Cannabis: le cas de l'Uruguay divise les politiques français

Soft Secrets
05 Aug 2013

L'Uruguay, le premier Etat à contrôler la production et la vente de cannabis.


L'Uruguay, le premier Etat à contrôler la production et la vente de cannabis.

L’Etat uruguayen devrait devenir le premier au monde à encadrer la production et la vente de cannabis. Ne manque que l’approbation d’un Sénat acquis à la majorité présidentielle. Marianne a confronté l'avis de deux hommes politiques français sur cette question.


La probable légalisation du cannabis en Uruguay fait déjà un heureux en France. Dans un communiqué publié sur son blog, Jean-Michel Baylet a salué un texte « beaucoup plus ambitieux que les lois de dépénalisation en vigueur, aux Pays-Bas notamment ». Le sénateur de Tarn-et-Garonne et président du Parti Radical de Gauche en avait fait l’un de ses thèmes forts lors de la primaire socialiste de 2011.

Joint par Marianne, il surenchérit : « C’est le meilleur modèle possible, celui où l’Etat est producteur et distributeur à travers des pharmacies, celui que je défends depuis longtemps. » Sa volonté de légalisation du cannabis repose sur trois arguments, qu’il répète régulièrement. La santé publique d’abord, avec  un produit « contrôlé, de bonne qualité et dosé de façon un peu moins forte ». C’est aussi pour lui le moyen « d’assécher les sources de financement des trafics de drogues » et de renforcer « les moyens des brigades de lutte contre les trafics de stupéfiants, qui sont à l’origine de nouvelles formes de criminalité organisée toujours plus violentes ». 

« Aucune raison de légaliser le cannabis ! »

Les raisons invoquées par le sénateur de gauche font bondir Bernard Debré, médecin et député UMP de Paris. « Il n’y a aucune raison de légaliser le cannabis ! C’est un délabrement psychologique de monsieur Baylet. La dangerosité de cette drogue - car c’en est une - est de plus en plus évidente. Beaucoup d’études établissent un lien entre sa consommation et l’apparition d’anomalies cérébrales, révélées par des IRM. La question est de savoir si le cannabis les déclenche ou les accélère, mais il provoque des troubles somatiques et schizophréniques certains », argumente l’ancien ministre. Et l’idée de proposer un produit de meilleure qualité ? « Faisons la même chose avec l’héroïne dans ce cas, c’est absurde ! Je ne comprends pas : on lutte contre le tabac [l’Uruguay est l’un des pays les plus répressifs au monde vis-à-vis de la cigarette, Ndlr] et l’alcool d’un côté, et cet Etat légalise totalement une drogue comme le cannabis. C’est un mauvais exemple. »

L’usage thérapeutique n’a pour lui pas plus de justification. « De qui se fout-on ? On ne va pas aller sucer des pavots d’opium aussi ? Pourquoi vouloir fumer du cannabis quand il existe d’autres médicaments pour soulager la douleur, y compris des extraits de chanvre en comprimés ? », poursuit-il sur un terrain qu’il connaît en bon médecin. « Légaliser une drogue, cela me semble complètement psychédélique, c’est le cas de le dire. J’ai peur de ce qu’il se passe en Uruguay. Comment peut-on faire du pognon sur la misère des gens ? » Mais Bernard Debré est plus mesuré sur les sanctions judiciaires appropriées en France : « Faire de la prison, c’est disproportionné. Je suis pour que les gens qui fument du cannabis n’aient qu’une contravention. »

« Le conservatisme ambiant pose des difficultés »

Le futur modèle uruguayen est-il importable en France ? « Quand je vois que nous n’arrivons pas à créer une majorité pour défendre le droit de vote des étrangers, ou ce qu’il s’est passé avec le mariage pour tous…ces pays lointains d’Amérique du Sud progressent plus vite que la France, explique Jean-Michel Baylet. Des pays, l’Argentine, l’Uruguay, où l’Eglise catholique est bien plus présente et puissante qu’ici, et où pourtant des Hommes courageux arrivent à faire avancer les choses ! » Cause de son exaspération, ce « conservatisme ambiant qui pose des difficultés quand il faut aborder les problèmes de face ». Sur ses soutiens politiques dans un débat qui attend encore d’être ouvert, il lâche, plus fataliste qu’énervé : « Je ne suis pas soutenu… pas vraiment, non. »

Bernard Debré ne voit pas non plus l’exécutif socialiste ouvrir un débat sur la question. « Je sais qu’il y a eu des tentatives désordonnées de Cécile Duflot, ou Vincent Peillon, mais je n’ai pas de craintes là-dessus. François Hollande y est totalement opposé », conclut-il. 

Source http://www.marianne.net/

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