Serbie : l'insoumission des patients du cannabis

Soft Secrets
22 Jun 2018
Tandis que ses voisins d'ex-Yougoslavie avancent sur le chemin de la raison en matière de cannabis médical, l'administration au pouvoir en Serbie autorise des cannabinoïdes synthétiques et s'entête à réprimer durement les patients et leurs fournisseurs de produits naturels. Pour combien de temps encore ? Julien Tridat est Français, il en train de boucler un documentaire qui relate le combat de ces hors-la-loi des Balkans pour moins souffrir, pour se soigner : Serbie : le trafic qui sauve des vies. Il considère que ce projet est sans aucun doute le plus important de sa carrière”. Il nous éclaire sur la situation de ce front antiprohibitionniste grand ouvert. SSFR : Bonjour Julien Tridat, qui es-tu, en quelques phrases ? Julien Tridat : Je suis réalisateur et reporter, j’ai bossé pour Envoyé Spécial, L’Effet Papillon, etc. Je suis spécialiste de la région des Balkans où j’ai réalisé des films sur les criminels de guerre, l’islamisme ou la mafia. C’est une région fascinante et complexe qui mérite qu’on s’y intéresse. Serbie : l'insoumission des patients du cannabis Tu finalises actuellement actuellement ton film documentaire sur le combat de la société civile en Serbie pour que les malades puissent utiliser le cannabis naturel comme médicament, comment en es-tu arrivé à lancer ce projet ? Connaissais-tu la problématique du cannabis et plus particulièrement celle du cannabis médical avant d'y être confronté en Serbie ? Tout a commencé lorsque j’ai rencontré Milos Simic et les membres de l’association IRKA qui militent pour la légalisation. Au départ, je pensais avoir à faire à une bande de gentils fumeurs de pétards. Mais lorsque j’ai compris que la plupart d’entre eux étaient gravement malades et que la légalisation était pour eux une question de survie, j’ai su que je devais raconter leur histoire. Avant de me plonger dans cette enquête, j’avais déjà eu connaissance des effets positifs du cannabis sur certaines maladies. Je savais que plusieurs pays avaient légalisé le cannabis thérapeutique : États-Unis, Allemagne, Pays-Bas, Croatie, Israël... Mais rien ne m’avait préparé à ce que j’ai découvert en Serbie. Pendant deux ans, j’ai rencontré des dizaines de malades ayant fait le choix de se soigner avec de l’huile de cannabis de contrebande. Et leurs témoignages bouleversent les idées reçues. D’après cette expérimentation sauvage à grande échelle, on peut parler d’effets non seulement palliatifs mais aussi curatifs ! Quelles difficultés as-tu rencontrées pour ton tournage ? La principale difficulté du tournage a été d’en financer l’intégralité, sans pré-achat d’aucune chaîne TV. C’est pourquoi j’ai lancé une campagne de crowdfunding sur Kisskissbankbank, pour financer la post-production du film qui coûte chère, notamment en raison des frais importants de traduction. C’est une situation assez inédite pour moi puisque jusqu’à présent, toutes les enquêtes avaient trouvé preneurs. Je comprends que la question posée par le film puisse être perturbante : une simple plante pourrait-elle venir à bout de la sclérose en plaque ? De l’épilepsie ? Et même de certaines formes de cancer ? Je ne crie pas au miracle. Mais ces témoignages doivent nous obliger à ouvrir les yeux et à investir sans tarder dans la recherche et l’expérimentation. C’est la vocation de ce documentaire : éclairer les esprits et faire avancer le débat. Et à titre plus personnel, je souhaiterais que tous les militants en France mais aussi les malades se mobilisent pour soutenir ces hommes et ces femmes en Serbie qui se battent pour obtenir le droit de se soigner librement. Quelle est aujourd'hui en Serbie la situation des usagers de cannabis et plus particulièrement des malades ? Quelles sont les perspectives à court terme pour le mouvement de légalisation ? Depuis quelques mois, la situation des malades s’est considérablement agravée car le gouvernement serbe à décidé de durcir la répression en frappant les dealers qui fournissent la matière première, en n’hésitant pas à arrêter les malades qui cherchent à se procurer leur médicament. Le cas le plus emblématique, c’est l’arrestation de Dragan Alargic, qui produit et distribue de l’huile de cannabis à des centaines de malades. Cet homme est marié, père de famille et il risque jusqu’à trois ans de prison. Sur le terrain, les usagers et les militants se mobilisent pour lui mais les perspectives ne sont pas bonnes pour le mouvement de légalisation du cannabis médical. Quant au cannabis en général, la France aura sans doute légalisé avant la Serbie. C’est dire si l'on est loin de trouver une issue ! C’est d’autant plus regrettable que la cause du cannabis médical progresse partout ailleurs dans les Balkans (Croatie, Slovénie, Macédoine, Grèce). Il est donc plus que jamais urgent de soutenir le combat des malades serbes. On peut comprendre dès lors que ni les représentants de l'État, ni ceux du corps médical ne voient d'un bon oeil ce documentaire, et que le salut viendra de la pression citoyenne. Celle-ci se fait sentir de plus en plus grâce à l'information, au lobbying, grâce à la mobilisation de milliers d'anonymes. Souhaitons donc que les autorités serbes ouvrent les yeux rapidement, ce film peut certainement contribuer à les y aider ! Le lien du financement participatif Kisskissbankbank avec la bande-annonce : https://www.kisskissbankbank.com/en/projects/serbie-le-trafic-qui-sauve-des-vies Par Emmanuelle Macronne
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