Prohibition : le procureur de Grenoble tire la sonnette d’alarme

Soft Secrets
13 Oct 2017

En France, ce sont souvent les usagers eux même qui militent pour la légalisation du cannabis. Dans les autres pays européens, depuis plusieurs décennies, des personnalités de premier plan, journalistes, policiers ou juges, qui ne sont pas eux mêmes consommateurs, s’engagent pour la légalisation. Ces professionnels de la sécurité ou de la justice sont au cœur du système prohibitionniste et sont les mieux placés pour dénoncer son absurdité.


Par Olivier F

Même s’ils sont peu nombreux en France à oser remettre en cause la prohibition, certains juges et procureurs se sont déjà prononcés pour la légalisation. C’est notamment le cas des membres du Syndicat de la magistrature. Fondé en 1968, ce syndicat orienté à gauche préconise depuis longtemps la légalisation des drogues et a publié en mars 2017 un texte intitulé « Pour une nouvelle politique des drogues » qui confirme cette position : « Il convient de lever la menace de sanction sur les usagers et de mettre en œuvre une légalisation contrôlée des drogues dans le cadre d’une intervention de l’État pour organiser la distribution des produits.»

A Grenoble, depuis 2014, le procureur de la république Jean-Yves Coquillat alerte l’opinion publique sur une situation explosive et demande un débat sur légalisation .du cannabis. Le procureur a pris à nouveau la parole le 26 juillet dernier dans la quotidien Le Dauphiné libéré : « De toute ma carrière n’ai jamais vu une ville de cette taille aussi pourrie et gangrenée par le trafic de drogue ».

A 60 ans, Jean-Yves Coquillat a une longue expérience en tant que magistrat. Il a déjà été en poste à Clermont-Ferrand, Lyon, Mâcon, Besançon et Mulhouse. « C'est la triste réalité de cette ville et ce n'est pas une nouveauté. Le problème de la drogue est une réalité quotidienne. Je ne connais pas de quartier épargné. Il y a une généralisation des points de vente, des bandes, des querelles de bandes et des règlements de comptes, pas toujours mortels » a déclaré Jean-Yves Coquillat.

Le trafic concerne toute l’agglomération grenobloise, le centre ville, les cités de Grenoble et celles des communes voisines de Saint-Martin-d'Hères, d'Echirolles ou de Fontaine. Le magistrat souligne la difficulté à faire cesser totalement le trafic de drogue qui résulte d’une forte demande Le trafic de drogue et les règlements de compte entre bandes rivales perturbent fortement la vie des habitants des quartiers concernés et les dernières fusillades ont terrifié la population. 

Jean-Yves Coquillat consate l’échec de la politique prohibitionniste : « Toutes les politiques répressives ont échoué depuis trente ans. J’ai passé ma vie à appliquer une politique qui ne fonctionne pas ! » Le procureur de Grenoble fait preuve d’un certain pessimisme mais son objectif est de relancer le débat sur la légalisation du cannabis : « On ne peut pas répondre à tout par la répression. Ce n’est pas adapté à un phénomène de cette ampleur. C’est vider l’océan avec une cuillère. La réponse à un tel phénomène ne peut pas être que policière ou judiciaire mais aussi politique et sociétale ».

La contraventionalisation qui devrait bientôt être mise en place par le nouveau gouvernement ne permettra pas de changer la situation à Grenoble ou ailleurs et le trafic de cannabis continuera. Le procureur souhaite plutôt la mise en place d’une légalisation contrôlée par l’état. Le maire de Grenoble Eric Piolle (EELV), également partisan de la légalisation, en a profité pour rebondir sur le sujet : « Jean-Yves Coquillat a raison ! Son constat est courageux et lucide : nous dépensons des fortunes pour un travail vain. » Un vent de rébellion soufflerait t-il sur la ville de Grenoble ? (OF)

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