On pourrait croire, vu sa réputation, que la Jamaïque possède déjà des lois peu restrictives en matière de consommation et de production de marijuana. Pourtant, même après l’indépendance de l’île en 1962, l’usage et la production de cannabis étaient restés interdits, bien que largement tolérés. Le projet d’amendement (annoncé dès juin 2014), qui doit être déposé ce vendredi au Sénat, pourrait modifier le Dangerous Drugs Act (loi sur les drogues dangereuses) de manière significative. Les débats devraient commencer le 30 janvier.

S’il est adopté, c’est une bonne nouvelle pour les adeptes du mouvement rastafari. Il propose notamment la légalisation de l’usage et de la production de «ganja» pour des raisons spirituelles. Faire pousser jusqu’à cinq pieds de cannabis chez soi deviendrait autorisé. Cependant, fumer de la marijuana serait toujours interdit dans les lieux publics. Horace Matthews, l’un des leaders du mouvement rastafari, explique d’ailleurs au journal jamaïcain The Gleaner que contrairement aux jeunes, les anciens n’ont jamais demandé la légalisation totale. Selon lui, l’usage devrait être limité à la méditation.

Des permis de production

Mais ce ne sont pas les seules évolutions possibles, comme le détaille le Jamaica Observer. Le projet de loi entraînerait par la même occasion la dépénalisation partielle des consommateurs : avoir sur soi 2 onces de cannabis (un peu plus de 56 grammes) n’entraînerait plus d’arrestation mais une simple amende, sans mention sur le casier judiciaire. Concernant la production industrielle de chanvre à des fins médicales, des licences pourraient être délivrées pour permettre le développement d’une industrie légale. Lors d’un point presse jeudi, le ministre jamaïcain de la Justice, Mark Golding, a précisé qu’un organisme officiel serait mis en place pour réguler la production et les critères donnant droit à un permis.

L’idée de légaliser la production de cannabis n’est pas nouvelle. Après la crise financière de 2008, certaines voix s’étaient élevées pour réclamer le développement du secteur. Depuis longtemps, le gouvernement avait d’ailleurs exprimé sa volonté de faire évoluer la législation. «Pour ce qui est de la marijuana à usage médical, je suis pleinement d’accord», expliquait en novembre 2013 le ministre de la santé Fenton Ferguson. De son côté, Mark Golding considérait déjà que la situation avait changé, et qu'«à la lumière des développements internationaux, en particulier auxEtats-Unis», le moment était «approprié» pour entamer «des réformes dans ce domaine». En avril 2014, motivées par les annonces gouvernementales, environ 300 personnes s’étaient rassemblées à Kingston pour créer officiellement l’Association des futurs producteurs de ganja.

Gabriel PORNET