Came d'habitude

Soft Secrets
17 Nov 2014

2ème édition de la Global Drug Survey


2ème édition de la Global Drug Survey

La deuxième édition de la Global Drug Survey, enquête internationale sur la consommation de drogues, légales ou non, commence ce lundi. Fondée sur le volontariat, l’étude, dont «Libération» est partenaire, permet de mieux comprendre les pratiques des usagers en leur donnant la parole.

C’est reparti. La Global Drug Survey 2015, qui ambitionne de devenir la plus grande enquête sur les drogues au monde, démarre en France ce lundi, pour cinq semaines. Traduite en dix langues, elle couvre vingt pays, espérant attirer 120 000 participants. En France, Libération est, pour la deuxième année, le média associé à ce questionnaire anonyme et confidentiel qui repose sur un postulat simple : demander aux principaux concernés, les usagers de toutes drogues, légales ou non, de raconter leurs modes de consommation. Objectif : édicter des règles de précaution afin de minimiser les risques. Chacun est bienvenu pour participer (1).

Cette enquête est menée par un psychiatre basé à Londres, Adam Winstock, pour qui prendre des drogues, c’est prendre des risques : il convient donc, dans cette activité généralement guidée par la recherche du plaisir, d’agir avec précaution. «C’est comme pour conduire une voiture, dit-il. On peut appliquer certaines règles pour rester en sécurité.» Et, dans ce domaine, Winstock fourmille d’idées. Il a ainsi lancé un site en anglais où on peut, via vingt questions rapides, savoir si l’alcool nous rend insupportable (Onetoomany.co, soit littéralement «le coup de trop»). Il a aussi mis au point deux sites sur lesquels on peut mesurer sa consommation de drogues (Drugsmeter.com) et d’alcool (Drinksmeter.com) et ainsi savoir si on a un comportement à risque. Essayez, ça vaut le coup. Et Winstock a édité des manuels de «drogues mode d’emploi» - en anglais High-Way Codes (2) -, où il distille les conseils pour limiter les risques. Soit neuf fascicules à télécharger : sur le cannabis, l’alcool, le LSD, la kétamine, etc. Simple, pratique et plein de bon sens.

 
 

Un questionnaire tous azimuts

Winstock étant l’homme de l’éclectisme, le questionnaire 2015 ratisse large, bien au-delà du monde des consommateurs de drogues tel qu’on l’entend habituellement. Y sont évoqués pêle-mêle l’usage des stéroïdes anabolisants pour faire de la gonflette dans les salles de muscu, la consommation de produits amaigrissants, ainsi que de toutes ces substances qui permettent d’améliorer ses performances ou son image : les produits pour la peau et les cheveux (crèmes éclaircissantes, Botox…) ; les produits pour la sexualité (Viagra…). Egalement questionnée, la consommation de produits stimulants pour améliorer sa performance au travail et lors des études (les stimulants cognitifs), «un sujet qui concerne beaucoup de monde», rappelle Winstock.

Autre chapitre, les médicaments sur prescription : «Moyen de traitement ou source de complication ?» Dans certains pays, leur mésusage dépasse celui des drogues illégales. On cause aussi protoxyde d’azote (le gaz hilarant), qui défonce sec et cause de nombreux problèmes, tout comme l’huile de cannabis dopée avec du gaz butane (BHO, Butane Hash Oil) : en gros, on injecte du butane dans le cannabis, opération très risquée - vous pouvez faire exploser votre maison, c’est arrivé dans certains labos clandestins -, et on extrait, après s’être débarrassé du butane, une huile de cannabis contenant 70% à 80% de THC (l’un des principes actifs), contre 15% à 20% dans du cannabis normal. Ce produit potentiellement explosif dans tous les sens du terme est très en vogue aux Etats-Unis, pas encore en Europe, mais ça viendra, avec un gros risque : «Plus le produit est fort, plus il y a de problèmes possibles», rappelle Winstock.

Les travers du cannabis synthétique et de l’achat sur Internet

Autre souci : le cannabis synthétique. Cet ersatz offre un double paradoxe : d’abord, il est souvent plus puissant que le produit naturel, et bien qu’il ne satisfasse pas forcément le consommateur celui-ci y revient. Pourquoi ? «Les gens ne l’aiment pas, mais continuent à l’utiliser», s’interroge le psy. Selon la précédente Global Drug Survey, 93% des utilisateurs préfèrent le cannabis naturel, alors que le synthétique, genre «spice», envoie un consommateur sur quarante à l’hosto. Pour Winstock, qui traite dans son cabinet des patients devenus accros, le cannabis synthétique reste attractif pour des personnes voulant éviter les tests de consommation de drogues dans leur entreprise ou en prison, et également pour ceux qui ne savent pas comment trouver le produit naturel : «Si vous avez moins de 14 ans ou plus de 40, peut-être que vous ne connaissez pas de dealer.»

Il est alors plus simple d’aller piocher sur Internet. Ce recours notamment aux zones cachées de la Toile («darknet»), via des routeurs, pour acheter des drogues sur des sites type Silk Road (aujourd’hui fermé), est également questionné, car ce commerce impossible à interdire se répand. Avec ses bons côtés - «pas besoin de dealer, pas de violence» - et ses inconvénients : «Par ce biais, les gens ont accès à d’autres drogues», un éventail de produits qu’ils ne trouveraient pas dans la rue.

Pourquoi on arrête ?

Mais le tout n’est pas de prendre des drogues ; il s’avère aussi intéressant de savoir pourquoi on arrête. «Peut-être tout simplement parce que les gens grandissent, estime Winstock. Ils fondent une famille, font des enfants, ont un boulot… La plupart des gens, même ceux qui ont un sérieux problème avec l’alcool ou les drogues, finissent par arrêter, et souvent de leur propre chef. Cela démontre que, dans votre vie, il y a des moments où un changement va s’opérer.»

La consommation d’alcool est un thème évidemment récurrent, cette fois autour de la question : «Trop, c’est combien ?» Ou: «Combien avez-vous besoin de boire pour vous amuser, pour être aussi heureux que vous le voulez ? Quel effet vous recherchez ?» Comme il s’agit «d’aider à boire différemment», d’autres questions en découlent : faut-il établir des limites à la consommation des drogues ? Fournir un guide de consommation ?

Et quid de l’usage détourné des cigarettes électroniques et autres vaporisateurs qui servent à consommer d’autres drogues plus puissantes et potentiellement dangereuses que la nicotine ? Winstock va jusqu’à chercher si l’usage de produits est potentiellement plus dangereux pour les végétariens : sachant que le gaz hilarant, par exemple, entraîne des pertes de coordination et fait baisser la B12 dans le corps, les végétaliens, qui peuvent présenter des carences dans cette vitamine, seraient plus exposés.

Une enquête «de plus en plus reconnue»

Basée sur le volontariat, cette étude indépendante n’a pas vocation à donner des résultats représentatifs. Mais elle contribue à mieux connaître les usages, notamment chez tous les consommateurs pour qui le plaisir reste le moteur principal, et qui, simplement désireux de passer du bon temps, n’ont pas forcément un comportement problématique. Ainsi, la Global Drug Survey peut influer positivement sur les politiques publiques de prévention. 

«Cette étude est de plus en plus reconnue sur la scène internationale, et elle permet de toucher des usagers qu’on ne voit pas forcément dans nos actions, et de montrer des produits nouveaux», explique Marie Debrus, de l’Association Française pour la réduction des risques liés aux usages de drogues (AFR), qui est partenaire de la GDS 2015. Pour cela, il faut que le plus grand nombre y prenne part. Alors, un conseil : participez ! Vous avez jusqu’au 20 décembre. Les résultats seront divulgués en juin.

(1) www.globaldrugsurvey.com/GDS2015

(2) www.globaldrugsurvey.com/brand /the-highway-code

Par Michel Henry

Source: http://www.liberation.fr/
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