En France, dés qu'on parle drogue, on arrive à l'ordre moral

Soft Secrets
21 Apr 2014

Interview de Laurent Appel de l'ASUD


Interview de Laurent Appel de l'ASUD


Laurent Appel milite pour un usage régulé du cannabis :

 

Laurent Appel, militant de l’association Asud (Auto-support des usagers de drogues), est aussi directeur de Norml France, qui promeut un changement des lois sur le cannabis.

Les usagers

«C’est une évidence : il faut s’appuyer sur l’expertise de l’usager. On doit s’intéresser à lui plus qu’à la substance. Le cannabis est en ce sens symbolique : une drogue dite douce qui peut faire l’objet d’un usage dur. L’inverse aussi peut être vrai, de substances dites dures dont on peut faire un usage doux. Il faut donc mettre l’usage au centre des politiques. Mais en France, sur le cannabis, on promeut juste l’abstinence.

«Sur d’autres substances, on tient plus compte de l’usage : on fait de l’accompagnement, on fournit des moyens pour réduire les risques. C’est d’ailleurs un paradoxe de la réduction des risques : on est répressif sur l’achat et la détention, mais bien plus libéral sur le matériel de consommation et les traitements de substitution. Il ne faut d’ailleurs pas trop tirer sur le modèle français, notamment pour les drogues injectables : notre dispositif fait partie des plus élaborés, même s’il manque les salles de consommation [lire ci-contre], l’héroïne médicalisée, la substitution aux stimulants. L’accompagnement à l’usage s’est développé avec ces substances présentant un risque de contamination virale. Mais, sur le cannabis, on prétend juste repousser la jeunesse en interdisant l’usage. Sans résultat convaincant.»

Le plaisir

«Dès qu’on parle drogues, on arrive à l’ordre moral : si on est pour un usage régulé, on est pour la destruction de la société par la permissivité. Les Pays-Bas ne sont pourtant pas en ruines ! Il y a surtout un refus d’y voir la recherche du plaisir - comme celui de fumer un havane. Les ados notamment sont en recherche de plaisirs : on doit leur expliquer comment en avoir sans prendre trop de risques. Mais on préfère se condamner à ne rien dire. Il faut une éducation au bon usage par une approche ni hypocrite ni Bisounours, un discours pédagogique et pas une propagande démagogique comme les politiciens adorent : il leur semble plus facile d’apparaître comme les protecteurs de la jeunesse en lui interdisant de consommer plutôt qu’en l’éduquant. Alors qu’on devrait promouvoir un usage modéré.

«On estime que 10 à 20% des usagers de cannabis sont problématiques, en dépendance et besoin de soins. Cela veut dire que 85% ne le sont pas. Pour eux, on devrait avoir un message de modification de la méthode de consommation : le joint français, avec beaucoup de tabac et de papier, est le plus risqué. On inhale en carbonisant les deux produits associés, les risques pulmonaires sont beaucoup plus élevés qu’avec du cannabis pur. Il vaut mieux ingérer ou vaporiser. Autre conseil : ça ne sert à rien de garder la fumée dans les poumons, les principes actifs sont absorbés en une seconde.»

Recueilli par Michel Henry

Source: www.liberation.fr
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